Récits
Contes
L'âne et le boeuf.
B. Salut la bourrique !
A. Moi j’en avais marre d’être dans la boîte enveloppé dans du papier crépon.
B. Moi aussi, je commençais à avoir des crampes.
A. Ça fait déjà un an
B. Mais ça va seulement durer deux semaines.
A. Maximum. Mais je me demande bien à quoi on sert.
B. L’âne et le bœuf dans la crèche, c’est la tradition. Mais à quoi on sert, je ne sais pas !
A. Comment ça, tu ne sais pas ! C’est moi l’âne, c’est moi qui ne sais pas.
B. Ben moi non plus je ne sais pas.
A. Alors on ne sert rien !
B. Ah si, nous sommes des SYMBOLES.
A. Des symboles ? Des symboles de quoi ?
B. Des symboles de … Je ne sais pas moi.
A. Je t’ai déjà dit que l’âne c’est moi.
B. Bon d’accord, tu es l’âne et tu ne sais rien. Et ben moi non plus.
A. Et arrête de mâchouiller ton « chouingomm », ça m’énerve et tu baves !
B. Quand je mâche mon « chouingomm », ça veut dire que je rumine et quand je rumine ça veut dire que je réfléchis.
A. Alors réfléchis bien. Tu es le symbole de quoi ?
B. Je réfléchis, je réfléchis et je suis donc le symbole de la SAGESSE.
A. Ah ben mon gros, tu es gonflé, toi ! Si tu es le symbole de la sagesse moi je suis celui de l’INTELLIGENCE.
B. Ça, ce n’est pas possible, on n’a jamais vu une bourrique intelligente.
A. Bon d’accord, mais ça c’est ce qu’on dit. Je ne suis pas idiote, je suis têtue. Alors je serai le symbole de la CULTURE.
B. De la CULTURE ! Laisse-moi rire, qu’est ce que tu sais, toi, l’ânesse ?
A. Je sais que je ne sais rien.
B. Oh la la ! Tu parles comme Socrate ! Ça, c’est de la SAGESSE.
A. J’aimerais bien qu’on m’appelle Socrate ! Qui c’est ? Mais alors je suis sage comme toi !
B. Seulement presque. Enfin, à peine ! À peine un peu. Pas beaucoup !
A. Eh ben voilà, nous sommes sages et cultivés mais personne ne nous regarde.
B. Mais si, regarde, il y a des gens qui passent et qui regardent.
A. Ils passent et regardent. Mais ce n’est pas nous qu’ils regardent. Je crois même qu’ils ne nous voient pas.
B. Bof !
A. Ah ! Je viens de voir passer la boulangère et ses mitrons. Il en avait même un avec de la farine sur le bout du nez !
B. Où ça ? Je ne vois pas de petit mitron avec de la farine sur le nez.
A. Normal ! Tu n’as pas tourné ta grosse tête quand il s’est essuyé le nez. Maintenant on ne le voit plus ! Mais ça ma fait tout drôle que nous soyons la sagesse et la culture !
B. La sagesse et la culture, tu crois que ça intéresse encore beaucoup de monde ? Tant pis, ce n’est pas grave. Regarde comme il est beau le petit !
A. Ah oui, il est tout mignon ! Mais pourquoi les gens qui passent regardent les moutons ?
B. Il y a des moutons ? Je ne les avais pas vus.
A. T’es bigleux avec ton œil de verre et tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez. Et c’est normal que tu ne voies rien, tu ne bouges même pas la tête !
B. C’est doux, les moutons, ils sont beaux les agneaux. Et si tendres quand ils font « bèèè bèèè ». C’est quand même plus beau que quand c’est toi qui chantes !
A. Moi aussi je chante bien, je ne fais pas « bèèè bééé » moi je brais, je fais ..
B. TAIS-TOI, tu vas réveiller le petit. Qui c’est la dame qui me regarde là-bas ?
A. La dame avec le tablier blanc ?
B. Oui !
A. Je la reconnais, c’est la vendeuse de babouches !
B. Elle est mignonne, mais c’est pas chez elle que j’irais en vacances !
A. T’inquiètes pas, tu ne l’intéresses pas, elle a tout de suite remarqué que ton cuir est dur comme du bois !
B. Ouf ! je respire mieux, d’ailleurs, elle est repartie. Il est vraiment mignon le petit. Regarde comme il dort calmement. On dirait un chérubin.
A. Il est très sage ! Et Marie aussi, elle est très très belle.
B. Très belle, jolie, magnifique, douce, souriante, qu’on voudrait avoir eu une maman comme elle !
A. Venant de toi, c’est une vraie ânerie !
B. Tu n’es vraiment pas poète, toi ! Je viens de voir passer l’instit !
A. Je ne le connais pas !
B. Tu m’étonnes ! Eh, là-bas, regarde les gens richement habillés, comme des rois !
A. Des rois qui viennent nous voir, ça prouve que nous sommes importants..
B. Tais-toi, bourrique, ce n’est pas toi qu’ils viennent voir, c’est le pitchoun !
A. On peut se tromper !
B. Ouais, mais à toi ça arrive souvent. Et Joseph, regarde comme il a l’air content.
A. Il a l’air tout étonné de voir un enfant aussi beau !
B. Il doit se demander s’il sera à la hauteur !
A. Ouais, ouais, tu es trop sérieux ! Mais nous, personne ne nous regarde !
B. Parce qu’on est que des symboles.
A. On n’a peut-être pas trouvé les bons symboles. On pourrait peut-être faire un spectacle ?
B. Moi j’ai envie de danser !
A. De quoi t’aurais l’air, gros comme tu es ! Je t’imagine avec un tutu et ça me plie en deux.
B. Et si je chantais ? Ça ferait un effet bœuf !
A. Bonne idée, on va faire un duo, je chanterai avec toi.
B. Ah NON, pas toi, ils vont tous se sauver !
A. Bon, d’accord, alors qu’est ce qu’on fait ?
B. Ben, je sais pas
A. Encore Je sais pas, je sais pas … Réfléchis !
B. De toutes façons, de la musique il y en a déjà. On va écouter la musique.
A. Tu ne trouves pas qu’il commence à faire froid.
B. Si, alors qu’est-ce qu’on fait ?
A. C’est toi la sagesse, alors c’est à toi de trouver.
B. Bon, moi je vais souffler fort pour réchauffer la crèche.
A. Mais ne t’approche pas trop du pitchoun, tu vas lui faire peur avec ta grosse tête !
B. Et toi ne parle pas trop fort, tu pourrais aussi lui faire peur.
A. Alors moi, je vais bouger les oreilles pour chasser les mouches et pour faire « Ainsi font, font, font les petites marionnettes »
B. Et tant pis s’ils ne s’occupent pas de nous
A. On fait partie du décor.
B. Et si on n’était pas là, on leur manquerait.