L'âne Dits de l'âne doré

Regards

Epistolaire

Le bel âge

Beaucoup de fleurs, réelles et virtuelles ont été envoyées pour cet anniversaire mythique ! Plein épanouissement de la jeunesse, délicatesse, vigueur, richesse, joie de vivre, promesses, enfance oubliée, porte de l’avenir. Recevez tous ces bouquets, humez, savourez, enivrez-vous de leurs effluves capiteux mais éphémères et retenez ce que vous voudrez, nous vous les offrons tous !
Permettez-moi cependant d’insister sur un aspect spécifique : vous avez eu et avez encore l’immense privilège de pouvoir vous épanouir dans une famille aimante et attentionnée, entourés d’un papa et d’une maman en permanence à vos cotés. Pensez aux familles décomposées, désintégrées, écartelées, lorsque gisent épars les tessons irisés d’un beau vase brisé.
Ayez une pensée pour vos grands parents, ceux qui confectionnèrent des mayonnaises onctueuses et des tartes délicieuses et bien d’autres choses encore ! Aimant même – et peut-être davantage – quand leur maladresse voile la réalité de leur amour.

Mes grands parents naquirent peu après la guerre de 1870 ; la défaite de SEDAN et l’annexion de l’Alsace-Lorraine à la Prusse fit d’eux des lorrains allemands. Vers la fin du siècle, tandis qu’Eiffel serrait les derniers boulons de sa tour, c’est probablement sans fastes particuliers qu’ils célébrèrent leurs vingt ans. Qu’attendaient-ils de la vie ? Peut-être rien d’autre que la poursuite de l’activité du petit monde auquel ils appartenaient, chaque jour suffisant à sa peine, dans l’amitié et le dynamisme de leur jeunesse. Mais dix années plus tard, une nouvelle guerre les happera.
Années folles ! Fantaisie, Art Déco, Jazz, Charleston ! Mes parents ont vingt ans ! Quels peuvent être les projets d’avenir quand on a vingt ans à cette époque, dans l’euphorie d’une guerre que l’on tente d’oublier ? Dans l’effervescence des nouveautés on attend sans doute encore plus de nouveauté ! Lindbergh resserre les derniers écrous du Spirit of Saint Louis qui le mènera à Paris ! Jusqu’où irons-nous ?
La seconde guerre terminée a laissé un champ de ruines mais apporté de grands progrès technologiques Mes vingt ans me mettent en face d’un grand chantier. Enthousiasme ! Appétit d’action ! Pas d’inquiétude, l’avenir est vaste, immense, infini ! Quelle joie d’y prendre sa place ! Même si je saisis mal les contours de la philosophie de Sartre, l’Existentialisme, quel bonheur … j’existe !
Les Trente Glorieuses s’achèvent, tes parents ont vingt ans ! Choc pétrolier, écologie, libertés, autonomie. Un autre monde est à construire avec probablement des interrogations, des inquiétudes, des incertitudes, des défis à relever. Mais à cet âge là, on n’a pas peur, on est courageux ! Ils le furent.

Petite fille, il t’appartient maintenant d’achever ta formation et te lancer dans la vie. Bon courage ! Sans amour tu ne réussiras rien de noble. Et peut-être qu’un jour, une fille de vingt ans embrassera sa maman et, bien plus tard, une petite fille de vingt ans viendra embrasser sa grand’mère ! Les jours, mois, années passent vite, je le sais. Prépare-toi, bon voyage, et que Dieu, dans la discrétion de son grand amour t’aide à réaliser le dessein qu’il te confie.
Et aujourd’hui, petit fils, c’est ton tour, c’est toi qui atteint vingt ans ! Les tableaux brossés révèlent que l’avenir est imprévisible, inattendu, insoupçonné mais dans lequel chacun a sa place, son rôle à tenir dans la fidélité à ses propres engagements. Et moi je crois que Dieu a un projet pour l’homme. Pour tout homme. Pour chaque homme. A toi d’honorer ton contrat.