Regards
Méditations
Lumière
La question semble incongrue et même simpliste !
Tout le monde connait cette lumière allumée quand il fait nuit, éteinte quand il fait jour, les phares de l’automobile perçant l’obscurité de la route pour les déplacements nocturnes, les lampadaires baignant les rues de la ville endormie, les publicités tapageuses, les festifs feux d’artifice et les discrètes lampes de poche...
Une utilisation fluctuant au fil des jours et des besoins !
Elle est naturellement – au point que l’on n’y fait plus attention – l’éclairage du soleil des jours et de la lune des nuits, la fulgurance d’un éclair d'orage, les myriades d'étoiles dans le ciel, et même aussi la pluie des Perséides – que fit observer mon père à l’adolescent que j’étais – au cours d’une chaude nuit d'été...
La lumière n’est cependant pas que cela !
Elle est, selon moi, une porte ouverte laissant voir une réalité complexe d’apparente simplicité, faite de violences, de beautés, d’ambiguïtés, de paradoxes, d’incompréhensions, nécessitant une démarche humble et respectueuse pour en approcher - et peut-être assimiler - l’absolu, le message et la puissance.
Qu’ai je vu de la lumière ?
J’ai contemplé le soleil se réfléchissant sur la Méditerranée à Pampelonne un jour d’été, déployant devant moi, naissant à l’horizon, une longue dentelle argentée comme si l’astre savait qu’il brillait trop fort pour je puisse le voir. Un écharpe irisée, seulement pour moi ! Un grand moment de sérénité. Infinie générosité car je savais qu’à coté de moi, elle admirait le tapis resplendissant qui lui était destiné.
Par une lucarne du grenier j’ai regardé avec tristesse la sarabande endiablée des flammes ravageant l’abbaye mussipontaine des Prémontrés incendiée au premiers jours de septembre 1944. Lueur violente dont je ne pouvais qu’imaginer la puissance destructrice. Á en avoir les larmes aux yeux.
Il y eut aussi les gigantesques enlacements et balancements silencieux des draperies colorées d'un aurore boréale. Au cours de cette nuit d'été dans l'Ontario je n’étais qu’un nain solitaire, enfermé dans l’obscurité, m’enivrant de ce spectacle d’une dimension astronomique, mise en scène par un maître de ballet magistral.
La plus belle des lumières observées est, pour moi, définitivement celle des minuscules flammèches tremblotantes des bougies réparties sur le sapin de Noël. Nous étions quatre, mes parents, ma jeune sœur et moi. C’était en 1938. Summum d’émotion devant ces fragiles lumignons qui n’étaient là que pour nous. J’avais huit ans.
La question serait-elle de m’inviter à regarder la lumière, ce qu’elle est et ce qu’elle cache ?
La lumière, c’est compliqué !
Lumières naturelles, lumières humaines qui sont notre quotidien, créées, inventées, subies, fulgurantes, éblouissantes, envahissantes ou absentes, j’ai les ai longtemps considérées comme un état inconsistant dans lequel nous vivons, comme l’air que nous respirons sans y prêter une grande attention.
Quelle erreur ! La lumière qui nous permet de voir ce qui nous entoure n’est pas un magma diffus et fixe mais un puissant et inlassable mouvement !
Son géniteur est notre soleil, cette étoile à huit minutes d’ici, feu qui nous éclaire et nous réchauffe.
Extrêmement rapide, inépuisable fontaine, sa lumière est une incessante création projetée dans l’univers, rebondissant sur les faces de la lune , de Mercure à Mars, de Jupiter à Neptune, poursuivant inlassablement son chemin dans l’infini astral et, peut-être, disparaître à tout jamais dans un trou noir.
Notre humble petit soleil dans la Voie Lactée, galaxie dans l’univers aux limites inatteignables...
Et après !
Nos ancêtres les plus anciens naquirent il y a près de trois millions d’années, ils apprivoisèrent le feu il y a quatre cent mille ans, ils conçurent l’électricité, sa lumière et la première ampoule au dix-neuvième siècle.
Oh soleil ! Devant toi nos laborieuses inventions font pâle figure !
Nous recevons aussi l’image lumineuse qui naquit dans la nuit des temps, l’origine ! Cette lumière discrète qui vient jusqu’à nous, sa mission n’est-elle pas de nous informer, de proclamer sa naissance ? Se propage-t-elle même au delà de la plus lointaine étoile ? Cette lumière nous questionne, cette lumière nous parle. Savons-nous l’entendre ?
Elle nous parlait ! Nous avons réussi à barrer la route à la lumière des étoiles.
Je cherche vainement la Grande Ourse, l'étoile polaire et celle du Berger. Je ne verrai plus brûler les Perseides. Les insectes éblouis font la ronde et meurent d’épuisement autour des lampadaires, soleils nocturnes bluffants et assassins.
Nous nous sommes enfermés dans notre chaudron où nous nous détruisons nous-mêmes.
Le petit reste qui subsistera saura-t-il reconstruire le monde à la seule lumière d’une bougie tremblotante sur un sapin de Noël ?
J’espère. L’espérance est une vertu dynamique.